Conférence des territoires : Macron a lu Humeurs Politiques !

Ce lundi 17 juillet se tenait au Sénat la première Conférence des territoires, instance de dialogue entre l'Etat et les élus locaux voulue par le Président Macron. Le programme est disponible ici, pour ceux qui veulent voir à quoi ressemble l'ordre du jour de ce type de sauterie.

Le président de la République, Emmanuel Macron, avec le Premier ministre Edouard Philippe et le président du Sénat, Gérard Larcher, lors de la Conférence nationale des Territoires, le 17 juillet 2017 à Paris. 

L'exécutif était attendu de pied ferme pas des élus locaux inquiets des annonces relatives à la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des contribuables, de la possible poursuite de la baisse des dotations de l'Etat et de moult autres sujets ayant trait à la gestion et au financement des services publics locaux.

Ce qui en ressort globalement, c'est que l'exécutif n'a pas annoncé grand chose de concret. Les élus locaux se sont dits très satisfaits de la forme (une vraie concertation et non une séance d'information) et moins du fond car les annonces faites vont dans le sens d'une poursuite de l'accroissement de la contrainte financière : comme le résume Dominique Bussereau, Président de l'Association des Départements de France, "il est évident qu’un simple échange d’un peu plus de liberté contre beaucoup plus de sacrifices financiers ne serait pas acceptable dans les mois à venir".

On serait pourtant tenté d'inverser l'analyse. Si la Conférence des territoires a semble-t-il en effet ressemblé à une concertation, on peut noter que le prochain rendez-vous de cette instance se situe le 2 décembre, date à laquelle certes la loi de finances pour 2018 (qui actera des réformes fiscales et de dotations) sera toujours en cours de discussion, mais les principaux arbitrages auront été réalisés, et les principaux échanges auront d'ores et déjà eu lieu par ailleurs (notamment au sein d'une Assemblée Nationale dont l'écrasante majorité macronienne est composée de peu d'élus locaux).

En revanche sur le fond, le peu d'annonces faites, et surtout le flou de ces annonces, laisse malgré tout quelque espoir au regard des craintes que l'on pouvait légitimement avoir. Relevons en particulier deux sujets.

Sur le plan de l'effort budgétaire, certes l'Etat annonce vouloir faire contribuer les collectivités à hauteur de 13 milliards d'euros d'économies sur la durée du mandat, soit plus que les 10 milliards évoqués jusqu'à présent, et que les 10 milliards de réduction de dotations déjà subis ces quatre dernières années. Pourtant les termes choisis et soupesés par l'exécutif laissent entrevoir des modalités très différentes, même si celles-ci restent extrêmement floues à ce stade.

En effet, lors de la précédente mandature, la "contribution au redressement des finances publiques" s'est traduite pour les collectivités locales par une baisse des dotations de l'Etat, autrement dit une logique de "coupage de robinet" ou tout du moins de réduction du débit. On nous annonce aujourd'hui que les économies à réaliser par les collectivités devront l'être à leur initiative, dans une logique de surveillance des dépenses par l'Etat, mais aucunement de réduction mécanique des recettes. Dans l'état actuel de cette annonce d'ordre général, beaucoup de questions se posent, notamment sur le plan juridique (la libre administration des collectivités est inscrite dans la constitution) et méthodologique (comment l'Etat qui a déjà du mal à se gérer intelligemment lui-même peut-il suivre de manière pertinente la qualité de gestion de 36 000 communes, près de 10 000 structures intercommunales, une centaine de départements et 13 régions ?). Nous verrons dans les mois à venir s'il en ressort quelque chose d'intelligent dans le pilotage de la relation Etat / Collectivités ou une nouvelle usine à gaz jacobine, mais l'espoir reste aujourd'hui permis, d'autant que le Président Macron annonce vouloir suivre en matière de normes la règle du "2 pour 1" : pour chaque nouvelle norme imposée aux collectivités (et génératrice de dépenses nouvelles), deux normes existantes seront supprimées - voilà une piste de travail intéressante.

Le second sujet, c'est le volet fiscal. Vous avez déjà pu lire ici mon opinion sur la réforme de la taxe d'habitation. Là aussi un certain flou continue à entourer la mise en oeuvre de cette réforme. Je relève toutefois que le Président a évoqué la possibilité du transfert aux collectivités d'une part d'un impôt national. Si ce transfert a vocation à substituer une part locale d'impôt sur le revenu ou de CSG à la taxe d'habitation, plutôt que de financer sa réduction par une compensation de l'Etat financée par le même impôt, la piste nous semble intéressante même si beaucoup de travail reste à faire pour la rendre cohérente et applicable.

De toute évidence, à ses heures perdues (qui ne doivent pas manquer comme on l'imagine aisément), le Président a lu Humeurs Politiques et s'est converti à mon opinion, que l'on peut résumer comme suit : conserver le lien entre le contribuable local et l'usager des services publics (et ne pas faire des locataires de simples habitants de passage sur un territoire donné), et préserver l'autonomie et la responsabilité financière et fiscale des élus locaux.

La suite au prochain épisode, quand le nuage de fumée aura commencé à se dissiper...

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